Chimère

Par brume et éclats d’aurore s’avance la chaire d’âme-animale.
Voici revenu le royaume des sorcelleries. La photographie avant d’être une mécanique est une alchimie : matière vivante, mouvante, jeux de masques et de miroirs, de fusions et putréfactions. Si seuls sur terre, nous nous ennuyons en nos villes et campagnes : les forêts sont sans mystères, on ne peut plus se faire trancher la gorge par des brigands, dévorer par hyènes et infernaux esprits.
Aux jeux des illusions et des mirages, des chemins égarés et des rêves éveillés, Linda Tuloup, par ses incantations et mauvais sorts, révèle, impose, à notre quotidien une réalité divine, féline, féminine. Les Chimères sont autant de promesses de destruction que de bonheur, d’incendie et feux de joie. Elles nous rappellent ce temps où dieux, hommes, animaux, se côtoyaient, s’unissaient, copulaient, conspiraient, enfantaient. Le chant des serpents a cessé, nous avons des habits mais guère de magie. Les déesses sont au musée et la nudité n’a jamais couru les rues, sous peine d’être embarquée.
Peut-être pour regarder ces apparitions faut-il bâtir un temple, se prosterner, trembler, offrir en sacrifice mauvais amis et romances
de pacotilles ?
Dans le tourbillon des saisons où nous mènent les Chimères ? Leur résurrection était-elle souhaitable ?

Hervé Baudat