Brûlure

Le confinement était là, qui nous réduisait souvent, parfois nous agrandissait, en silence, en solitude, en degrés de sapience.
On ne vivait plus, il fallait vivre, on pouvait craindre quelquefois de s’éteindre, ou de ne pas se réveiller.
Certains inventaient des rites, des gestes de désensorcellement, des passes magiques.
Chaque jour, dans ces moments où le temps se faisait couteau, une femme se déshabillait, puis se photographiait, tentant de se rappeler les contours de son corps.
L’instantanéité du Polaroid lui offrait l’or d’une présence, à la fois très douce et volcanique.
La femme-feu reprenait vie, dans la morsure d’une allumette léchant sa peau nue jusqu’à la déchirure.
Parfumée de soufre, la femme-fleur devenait ambre liquide.
Poignets liés en brebis de sacrifice.
Plaisir du ravissement à l’instant de l’agonie.
Saccage de la beauté succédant à sa révélation.
Nuit rayée par la folie haute des talons aiguilles.
Mon tourment, calme-le, dit-elle.
Je suis fontaine cristalline, dit-elle.
Etincelle-moi, ton amour est une blessure, dit-elle.
La femme-autel s’embrase, dans le gémissement de la gélatine.
« La vierge qui porte / le verbe divin / vient sur le chemin / ouvrez-lui la porte », supplie Jean de la Croix.
Fabien Ribery, L'Intervalle